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17 Octobre 1961 - 17 Octobre 2011

RAPPEL SUR LES EVENEMENTS DU 17 OCTOBRE 1961

 

Ce Mardi 17 octobre 1961, il pleut sur la région parisienne. Depuis quelques heures déjà à la Préfecture de Police de Paris, Maurice Papon, le Préfet (Préfet sous le Gouvernement de Vichy et responsable de la déportation de juifs) sait que les Algériens vont manifester le soir même pour répondre à l'Appel du Comité Fédéral du F.L.N.

 

Ce comité, qui s'était réuni à Cologne le 10 du même mois, avait décidé le principe de manifestations strictement pacifiques en plein centre de Paris pour dénoncer le couvre-feu auquel est soumise la communauté algérienne établie dans la région parisienne.

La première manifestation est ainsi décidée pour le 17 octobre 1961.

Ce soir là près de 50 000 Algériens, hommes, femmes et enfants, défilent dans les rues de Paris.

Cette communauté au nombre de 400 000 personnes est de l'ordre de 150 000 rien que dans la région parisienne. Ces Algériens vivent dans un climat d'insécurité et de suspicion permanents.

Déjà le 28 août 1958, le même Préfet de Police, organise des rafles massives d'Algériens. Plus de 5 000 d'entre eux sont parqués dans des centres de détention dont le gymnase Japy et le Vel' d'Hiv. Le 1er septembre de la même année un couvre-feu spécial pour les Algériens est décrété. En janvier 1959, le Centre d'Identification de Vincennes est mis en place où des Algériens sont placés en résidence surveillée et pour la plupart torturés notamment par la Force de Police Auxiliaire (F.P.A.) mise en place par Michel Debré, Premier Ministre. En août et septembre 1961, la répression contre les Algériens atteint son paroxysme avec des rafles massives qui sont encore une fois organisées. Plus de 30 000 Algériens sont contrôlés, les 3/4 conduits à Vincennes. Plusieurs exécutions sommaires sont dénombrées. Le 5 octobre 1961, le couvre-feu est restauré.

Le boycott de ce couvre-feu est, donc, fixé au Mardi 17 octobre. La consigne stricte était de ne pas provoquer et de ne pas répondre aux provocations.

Mais, la Police, très au fait de l'événement, a mobilisé tous ses effectifs : 7000 policiers, deux compagnies de C.R.S. et trois escadrons de gendarmerie sont au quai vif. Des autobus de la RATP sont réquisitionnés pour transporter ceux qui seront arrêtés. Le dispositif de répression déployé par Maurice Papon, est en place.

Alors que les Algériens manifestent dignement et dans le silence sous une pluie fine aux cris de "Algérie algérienne", brutalement, les policiers tirent au pistolet mitrailleur et au fusil. Les survivants sont traqués jusque tard dans la nuit, mains en l'air, ils sont chargés, matraqués et entassés dans les cars. Les fuyards rattrapés sont passés à tabac, certains seront ligotés et jetés à la Seine, notamment du Pont de Neuilly.

Le bilan officiel de cette manifestation est de trois morts (deux manifestants Algériens et un Français). En fait ce sont plus de deux cent manifestants qui seront tués et enterrés à la sauvette ou jetés dans des fosses communes. Plus de cent cinquante cadavres sont repêchés dans la Seine et le canal St Martin. Il y aurait eu plus de cinquante morts rien que dans le cour de la Préfecture de Police de Paris. Plus de quatre cents personnes sont au nombre des disparus. Prés de quinze mille personnes sont arrêtés et parqués au Palais des Sports (Porte de Versailles), au Château de Vincennes, au stade Coubertin et dans les commissariats où les violences et les humiliations se poursuiveront pendant plusieurs jours.

Ces morts ne sont pas le résultat malheureux d'une manifestation qui aurait mal tourné.

Ces morts sont le résultat tragique d'une opération menée depuis de longue date par les autorités de la puissance coloniale et qui consistait à briser tout soutien de la diaspora algérienne à la guerre de libération nationale, quelqu'en soit le prix !

Tout était, donc, en place pour commettre ces crimes. Il ne manquait plus que l'occasion propice, qui allait être cette soirée noire du Mardi 17 octobre 1961.

Michel Debré, Premier Ministre de l'époque, n'a t-il pas révélé dans ses mémoires (chez Albin Michel en 1988) : "lors de mon arrivée à Matignon, je constate que la rébellion algérienne s'est implanté en France métropolitaine et qu'elle a mis au point un véritable encadrement de l'immigration...Mes instructions sont claires : détruire l'ensemble de la rébellion". On ne peut être plus claire sur l'objectif poursuivi dans l'harcelement des Algériens.

Maurice Papon lui même devait déclarer, le 2 octobre 1961 (soit quinze jours avant le crime), dans la cour d'honneur de la Préfecture de Police, aux obsèques d'un policier tué dans un attentat "pour un coup reçu, nous en porterons dix" et de rassurer les policiers à qui il demandait de tirer les premiers : "vous serez couverts, je vous en donne ma parole".

Les enquêtes diligentés après ces événements n'ont jamais abouti. Maurice Papon fera obstruction à toute enquête en ce sens. Même la commission d'enquête réclamée par Gaston Deferre ne verra pas le jour.

A lire

: "La bataille de Paris" de J.L. Einaudi, Ed. Seuil, 1991.

A voir

: "Le silence du fleuve" de Mahdi Lalaoui et d'Agnès Denis. 

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L
Le pédagogue :<br /> <br /> <br /> Un peu partout, dans Paris et sa région des hommes, des femmes et des enfants marchent.<br /> Pour soutenir la résistance des Indigènes contre le colonialisme français.<br /> Des basanés.<br /> D'habitude, ils passent inaperçus.<br /> Ils quittent rarement leurs réserves et les lieux où ils triment.<br /> Et les voilà subitement en masse.<br /> Comment est-ce possible ? <br /> Comment osent-ils devenir visibles ?<br /> Ils marchent.<br /> Des hommes, des femmes, des enfants.<br /> Depuis combien de temps ?<br /> Quelle distance ont-ils parcouru ?<br /> Pour eux, le temps ne compte pas et ils ne mesurent pas l'espace.<br /> Un immense souffle est en eux.<br /> Le but est dans leur coeur et rien de ce qui est éphémère ne les atteint.<br /> Ce qui doit être sera.<br /> Ils s'approchent de la Seine au rythme de battements tels ceux du coeur de la mère que tout enfant béni garde en lui.<br /> Une marche pleine d’espoir.<br /> On aurait dit l'aurore de la vie.<br /> Un peu partout, des rangs noirs formés par des forces dites de l'ordre.<br /> Par moments, de lourds nuages voilent la clarté du jour.<br /> Mais pour ces êtres qui marchent, le ciel est d'un magnifique éclat et la Seine est radieuse.<br /> Mohammad sourit à sa mère qui lui caresse les cheveux, et serre fort la main de son père.<br /> Les rangs noirs explosent, des véhicules ternes vrombissent.<br /> L'arsenal du maintien de l'ordre se répand en un déversement de haine.<br /> Les marcheurs sont encerclés.<br /> Dans Paris et sa région, plus de douze mille arrestations.<br /> Des camps de détention et de torture.<br /> Des blessés.<br /> Des tués.<br /> Des corps d'hommes, de femmes et d'enfants jetés dans la Seine.<br /> Des moyens dits d'information ont informé :<br /> Des semeurs de désordre, terroristes musulmans, ont été mis hors d’état de nuire.<br /> La liberté.<br /> Taratata.<br /> L’égalité.<br /> Taratata.<br /> La fraternité.<br /> Taratata.<br /> Le ciel infini est bleu.<br /> La Seine coule.<br /> Depuis des années, Mohammad, maintenant grand-père, y vient assez régulièrement.<br /> Il s'arrête, fixe le fleuve et sourit à ses parents, jetés dans la Seine le 17 octobre 1961 (selon le calendrier dit grégorien).
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